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Maladie de Crohn vs Colite Ulcéreuse : Différences clés à connaître
  • Par Fabien Leroux
  • 22/11/25
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Si vous ou un proche avez reçu un diagnostic d’inflammation intestinale chronique, vous avez probablement entendu les termes maladie de Crohn et colite ulcéreuse utilisés comme si c’était la même chose. Ce n’est pas le cas. Bien qu’elles fassent toutes deux partie des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), elles agissent de manières très différentes dans le corps. Comprendre ces différences n’est pas juste une question de terminologie médicale - c’est essentiel pour choisir le bon traitement, anticiper les complications et gérer au quotidien.

Où ça se passe ? La localisation change tout

La colite ulcéreuse n’affecte que le côlon et le rectum. L’inflammation commence toujours au niveau du rectum et monte en continu vers le haut du côlon. Pas de zones saines entre les zones touchées. C’est comme une brûlure qui s’étend en ligne droite, sans saut.

La maladie de Crohn, elle, peut toucher n’importe quelle partie du système digestif, de la bouche à l’anus. Le plus souvent, elle se loge à la fin de l’intestin grêle (iléon terminal) ou au début du côlon. Mais elle peut aussi apparaître dans l’estomac, l’œsophage, ou même autour de l’anus. Ce qui la rend plus difficile à repérer : elle ne touche pas tout le trajet. Elle saute des zones saines entre des zones inflammées. On appelle ça des lésions en saut.

Comment ça se voit à l’intérieur ? Profondeur et apparence

En colite ulcéreuse, l’inflammation reste superficielle. Elle n’atteint que la couche la plus interne de la paroi intestinale, la muqueuse. C’est pourquoi les saignements rectaux sont si fréquents - la couche qui saigne est directement exposée.

En maladie de Crohn, l’inflammation traverse toute la paroi de l’intestin. On parle d’inflammation transmurale. Cela signifie qu’elle peut atteindre les couches profondes, y compris les muscles et la couche externe. C’est ce qui explique pourquoi les complications comme les fistules (connexions anormales entre l’intestin et d’autres organes) ou les strictures (rétrécissements) sont si courantes. Sur un endoscope, on voit un aspect de cailloux - des ulcères profonds entourés de tissu enflé - typique de la Crohn, mais jamais vu dans la colite ulcéreuse.

Les complications : pas les mêmes risques

Les deux maladies peuvent causer de la fatigue, de la perte de poids, des douleurs abdominales et des selles liquides. Mais les complications à long terme sont très différentes.

Dans la colite ulcéreuse, la complication la plus grave est la mégacôlon toxique : le côlon se dilate dangereusement pendant une poussée sévère. C’est rare - environ 5 % des cas - mais c’est une urgence médicale. La colite ulcéreuse augmente aussi le risque de cancer du côlon après 8 à 10 ans d’évolution, ce qui oblige à des coloscopies de surveillance régulières.

Dans la maladie de Crohn, les fistules sont la préoccupation majeure. Environ 1 personne sur 4 développera une fistule au cours de sa vie. Elles peuvent relier l’intestin à la vessie, à la peau, ou même à un autre segment de l’intestin. Les strictures sont aussi très fréquentes - 1 personne sur 3. Ces rétrécissements peuvent bloquer le passage des selles, nécessitant une intervention chirurgicale. Le risque de cancer du côlon est beaucoup plus faible qu’en colite ulcéreuse, sauf si la Crohn touche directement le côlon sur une longue période.

Intestin fracturé avec des ulcères profonds et des fistules en forme de vrilles, caractéristique de la maladie de Crohn.

Les signes extérieurs : ce que vous ressentez

Les symptômes peuvent sembler similaires, mais leur intensité et leur nature varient selon la maladie.

Les personnes atteintes de colite ulcéreuse décrivent souvent une urgence absolue d’aller à la selle - parfois plusieurs fois par heure. Le sang dans les selles est presque toujours présent, souvent en grande quantité. La douleur est généralement localisée dans le bas-ventre, surtout à gauche.

Celui qui souffre de maladie de Crohn a plus souvent des douleurs au niveau du bas-ventre droit, près de l’appendice. Il peut aussi ressentir des douleurs autour de l’anus, des abcès, ou des fissures. Beaucoup rapportent des problèmes de nutrition : perte d’appétit, intolérance aux aliments riches en fibres, ou même une malabsorption des nutriments si l’intestin grêle est touché. Cela peut entraîner une perte de poids inexpliquée ou des carences en fer, vitamine B12 ou vitamine D.

Comment on diagnostique ?

Il n’y a pas un seul test qui donne une réponse claire. Le diagnostic repose sur une combinaison d’examens.

La coloscopie avec biopsie reste l’outil de référence. En colite ulcéreuse, on voit une inflammation continue, des ulcères superficiels, et parfois des pseudopolypes (petites excroissances de tissu). En Crohn, on observe des lésions en saut, des ulcères profonds, et un aspect en cailloux.

Des examens d’imagerie comme l’IRM de l’intestin (MRI enterography) ou la capsule endoscopique sont souvent utilisés pour la Crohn, surtout si on soupçonne une atteinte de l’intestin grêle. Ces tests montrent des lésions profondes ou des fistules que la coloscopie ne voit pas.

Les analyses de sang et de selles aident aussi. Le calprotectin fécal (une protéine liée à l’inflammation) est élevé dans les deux cas, mais plus souvent et plus haut dans la colite ulcéreuse. Un test sanguin appelé pANCA est positif chez 60 à 70 % des personnes atteintes de colite ulcéreuse, mais seulement chez 10 à 15 % de celles avec la Crohn. Ce n’est pas un diagnostic à lui seul, mais c’est un indice important.

Comment on traite ?

Les deux maladies sont traitées avec des médicaments anti-inflammatoires, des immunosuppresseurs et des biothérapies. Mais les approches diffèrent.

Pour la colite ulcéreuse, les traitements locaux sont très efficaces. Des lavements ou des suppositoires à base d’5-ASA (comme l’asacol ou le pentasa) délivrent le médicament directement sur la muqueuse du côlon. Pour les formes plus sévères, les biothérapies comme l’infliximab ou l’ustekinumab sont utilisées. La chirurgie est une option curative : retirer tout le côlon et le rectum, puis créer une poche à partir de l’intestin grêle pour remplacer l’anus. Après cela, la maladie ne revient plus.

Pour la maladie de Crohn, les traitements doivent agir sur l’ensemble du système digestif. Les médicaments locaux sont peu efficaces. On privilégie les comprimés ou les injections qui agissent sur tout le corps. Les immunosuppresseurs comme l’azathioprine ou les biothérapies ciblant le TNF-alpha (infliximab, adalimumab) sont les piliers du traitement. Mais la chirurgie n’est pas une solution définitive. Environ la moitié des patients opérés pour une résection intestinale voient la maladie réapparaître à côté de la zone opérée. Il faut donc continuer le traitement après l’intervention.

Deux entités spectrales face à un endoscope flottant, symbole du diagnostic incertain entre les deux maladies.

Et si on ne sait pas ?

Il existe un cas particulier : la colite indéterminée. Chez 10 à 15 % des personnes, les signes ne permettent pas de distinguer clairement Crohn de colite ulcéreuse au début. Cela peut durer des mois, voire des années. Des études montrent que 12 % des personnes diagnostiquées initialement avec une colite ulcéreuse sont ensuite reclassées comme atteintes de Crohn après 5 ans, quand apparaissent des fistules ou des lésions en saut.

C’est pourquoi le suivi est crucial. Un médecin ne se contente pas d’un diagnostic initial. Il observe l’évolution, les réponses au traitement, et les complications. C’est la clé pour ajuster la stratégie à long terme.

Le futur : nouvelles pistes

La recherche avance vite. Les thérapies basées sur le microbiote intestinal, comme les transplantations de flore fécale, montrent des résultats prometteurs - surtout en colite ulcéreuse, où elles ont induit la rémission chez 32 % des patients dans un essai récent. Pour la Crohn, les résultats sont moins marqués.

De nouveaux médicaments sont en cours d’évaluation. L’etrolizumab, ciblé pour la colite ulcéreuse, et le mirikizumab, pour la Crohn, devraient obtenir une autorisation de mise sur le marché d’ici fin 2024. Ils représentent une avancée majeure : des traitements plus ciblés, avec moins d’effets secondaires.

Que retenir ?

La maladie de Crohn et la colite ulcéreuse sont deux maladies distinctes, même si elles partagent un nom commun. Leur localisation, leur profondeur d’inflammation, leurs complications, leurs traitements et même leurs déclencheurs quotidiens sont différents.

Comprendre ces différences permet de mieux dialoguer avec votre médecin, d’anticiper les risques et de choisir les bons outils pour vivre avec. Ce n’est pas juste une question de diagnostic - c’est une question de vie quotidienne.

La colite ulcéreuse peut-elle se transformer en maladie de Crohn ?

Non, la colite ulcéreuse ne se transforme pas en maladie de Crohn. Mais dans environ 12 % des cas, un diagnostic initial de colite ulcéreuse est ensuite révisé en maladie de Crohn après plusieurs années, car des signes typiques de Crohn - comme des lésions en saut ou des fistules - apparaissent plus tard. Ce n’est pas une transformation, mais une erreur de diagnostic initial due à des symptômes similaires au départ.

La chirurgie guérit-elle la maladie de Crohn ?

Non. La chirurgie en maladie de Crohn consiste à retirer la partie endommagée de l’intestin, mais elle ne guérit pas la maladie. La Crohn réapparaît souvent à côté de la zone opérée. Environ la moitié des patients ont besoin d’une nouvelle intervention dans les 10 ans. Ce n’est pas une solution définitive, mais un moyen de soulager les symptômes sévères.

La colite ulcéreuse peut-elle être guérie ?

Oui, mais seulement par chirurgie. Retirer entièrement le côlon et le rectum (proctectomie totale avec création d’une poche anale) élimine la maladie. Après cette intervention, la colite ulcéreuse ne revient plus. C’est la seule maladie inflammatoire chronique de l’intestin qui peut être guérie de cette manière.

Quels aliments faut-il éviter avec la Crohn ou la colite ulcéreuse ?

Il n’y a pas de régime universel, mais les déclencheurs varient. En colite ulcéreuse, le stress est souvent le principal facteur déclenchant. En maladie de Crohn, les aliments riches en fibres, les produits laitiers ou les aliments gras sont plus fréquemment cités comme déclencheurs. Chaque personne réagit différemment. Un journal alimentaire, tenu pendant plusieurs semaines, aide à identifier ses propres déclencheurs.

Les biothérapies sont-elles plus efficaces pour l’une que pour l’autre ?

Oui, légèrement. Les biothérapies anti-TNF (comme l’infliximab) atteignent la rémission chez 30 à 40 % des patients atteints de Crohn après 54 semaines, contre 20 à 30 % pour la colite ulcéreuse. Pour d’autres cibles, comme l’ustekinumab ou l’etrolizumab, les résultats sont plus prometteurs pour la colite ulcéreuse. Le choix du traitement dépend de la maladie, de la gravité et de la réponse précédente aux médicaments.

Maladie de Crohn vs Colite Ulcéreuse : Différences clés à connaître
Comprendre le lien entre maux d'estomac et maladie de Crohn
Fabien Leroux

Auteur

Je travaille depuis plus de quinze ans dans le domaine pharmaceutique, où j’explore constamment les évolutions des traitements et des suppléments. J’aime vulgariser les connaissances scientifiques et partager des conseils utiles pour optimiser sa santé. Mon objectif est d’aider chacun à mieux comprendre les médicaments et leurs effets.