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Antibiotiques compatibles avec l'allaitement : guide pratique 2025
  • Par Fabien Leroux
  • 6/12/25
  • 3

Vous venez d’avoir un bébé, vous allaitez, et voilà que vous tombez malade. Une infection urinaire, une mastite, une sinusite… Votre médecin vous prescrit un antibiotique. Et là, la question vous traverse l’esprit : est-ce que je peux continuer à allaiter ? Beaucoup de mamans arrêtent l’allaitement par peur, alors que la plupart des antibiotiques sont tout à fait sûrs. Le vrai problème, ce n’est pas la médication - c’est le manque d’information claire.

Les antibiotiques les plus sûrs pendant l’allaitement

Si vous ne retenez qu’une chose, retenez celle-ci : les pénicillines et les céphalosporines sont les premiers choix. Amoxicilline est un antibiotique de la famille des pénicillines, classé L1 (le plus sûr) par LactMed, avec un transfert dans le lait de seulement 0,03 % de la dose maternelle. Il n’a jamais été associé à un effet secondaire grave chez un bébé allaité, même après des milliers de cas documentés. Même chose pour ampicilline et céphalexine - tous trois sont prescrits quotidiennement aux mères allaitantes sans problème. Leur structure chimique est trop lourde pour traverser facilement la barrière mammaire, et ils sont éliminés rapidement par l’organisme.

Si vous avez une infection plus grave, comme une infection du sang ou une pneumonie, votre médecin pourrait vous prescrire céftriaxone. C’est une céphalosporine injectable, aussi sûre que l’amoxicilline. Son seul point d’attention : chez les bébés prématurés, il peut, dans de très rares cas, déplacer la bilirubine. C’est pourquoi les hôpitaux vérifient les taux de bilirubine chez les nouveau-nés avant de l’administrer.

Les antibiotiques à utiliser avec prudence

Les macrolides comme azithromycine sont aussi classés L2, donc probablement sûrs. Le transfert dans le lait est faible (0,3 %), et les effets sur les bébés sont rares. Mais attention à érythromycine : elle a un risque plus élevé d’irriter le système digestif du bébé. Des études ont montré que jusqu’à 15 % des bébés allaités dont la mère prenait de l’érythromycine ont développé une sténose du pylore - une obstruction rare mais sérieuse.

Le clindamycine est un cas particulier. Il est efficace contre certaines infections cutanées ou dentaires, mais il est aussi l’un des antibiotiques les plus fréquemment responsables de diarrhée chez les bébés allaités. Dans une étude de la clinique Mayo, 18,7 % des bébés exposés ont eu des selles liquides ou sanglantes. Ce n’est pas une contre-indication absolue, mais si votre bébé commence à avoir des selles inhabituelles, parlez-en à votre pédiatre avant d’arrêter l’allaitement.

Le métronidazole est souvent prescrit pour les infections vaginales ou les ulcères gastriques. Il passe dans le lait, mais à un taux faible (0,5 à 1 %). L’Agence nationale de santé britannique (NHS) dit qu’il n’est pas nécessaire d’arrêter l’allaitement, sauf si la dose est très élevée (2 g en une seule prise). Dans ce cas, il est conseillé de jeter le lait pendant 12 à 24 heures après la prise. Pour les doses habituelles (500 mg trois fois par jour), continuez à allaiter.

Les antibiotiques à éviter

Il existe quelques antibiotiques que vous devez absolument éviter. Le chloramphénicol est interdit : il a causé la mort de bébés dans les années 1970 en provoquant un syndrome gris - une insuffisance respiratoire mortelle. Il n’est plus utilisé en France pour les adultes, mais il peut encore exister dans certains pays.

Le nitrofurantoïne est contre-indiqué si votre bébé est prématuré, a moins de deux semaines, ou souffre d’un déficit en G6PD - une maladie génétique qui affecte 7 à 10 % des hommes d’origine africaine. Chez ces bébés, ce médicament peut détruire les globules rouges et provoquer une anémie sévère. Si vous avez un antécédent familial de jaunisse ou d’anémie, dites-le à votre médecin avant de prendre ce médicament.

Le triméthoprime/sulfaméthoxazole (Bactrim, Septrin) est un autre piège. Il est sûr pour les bébés de plus de deux mois, mais dangereux pour les nouveau-nés. Il peut augmenter le risque de kérnicterus - une forme de jaunisse neurologique grave - jusqu’à 8,3 fois plus que la normale. Les hôpitaux comme le Royal Women’s Hospital exigent une vérification de la bilirubine chez les bébés de moins de deux mois avant de prescrire ce traitement.

Une étagère de pharmacie où des antibiotiques dangereux se tordent comme des tentacules, tandis qu'une seule bouteille lumineuse reste intacte.

Comment minimiser l’exposition du bébé

Vous n’avez pas besoin d’arrêter l’allaitement pour prendre un antibiotique - mais vous pouvez réduire l’exposition de votre bébé. La règle la plus simple : prenez votre dose juste après une tétée. Cela permet à votre corps d’éliminer une grande partie du médicament avant la prochaine tétée. Selon les données de l’AAFP, cette méthode réduit la quantité ingérée par le bébé de 30 à 40 %.

Si vous prenez un antibiotique à action prolongée (comme une injection de céftriaxone), planifiez votre prise en fonction de votre rythme d’allaitement. Par exemple, si vous allaitez toutes les 3 heures, prenez le médicament juste après le dernier repas de la journée. Le matin, la concentration dans votre lait sera bien plus faible.

Ne jetez pas votre lait à la légère. Beaucoup de mamans pensent qu’elles doivent tout jeter après un antibiotique. Ce n’est pas vrai. Sauf dans les cas très spécifiques (comme une dose unique de métronidazole à 2 g), le lait reste parfaitement utilisable. Vous pouvez même le congeler pour plus tard.

Que surveiller chez votre bébé

La plupart des bébés n’ont aucun effet secondaire. Mais il faut rester vigilant. Voici les signes à observer :

  • Changement dans les selles : diarrhée, sang, mucus
  • Éruptions cutanées ou rougeurs inexpliquées
  • Refus de téter ou irritabilité inhabituelle
  • Signes de candidose (thrush) : taches blanches dans la bouche, irritations au niveau des fesses

Si vous remarquez l’un de ces signes, notez la date, la fréquence, et parlez-en à votre pédiatre. La plupart du temps, c’est bénin. Mais certains effets, comme la diarrhée liée au clindamycine, peuvent nécessiter un traitement spécifique.

La candidose est fréquente après un antibiotique. Elle n’est pas une contre-indication à l’allaitement - mais elle peut être douloureuse pour vous et pour votre bébé. Votre médecin peut vous prescrire un antifongique local (comme le nystatine) pour vous et votre bébé en même temps.

La main d'un bébé serre celle de sa mère, des formes toxiques s'écoulent mais sont dissoutes par un fil de lait maternel lumineux.

Les ressources fiables à utiliser

Ne vous fiez pas à Google, aux forums ou aux conseils de grand-mère. Utilisez des outils validés scientifiquement.

  • LactMed est une base de données gratuite du NIH, mise à jour en 2023, avec des données sur plus de 1 700 médicaments, dont 247 antibiotiques. Elle donne le niveau de risque (L1 à L5), le transfert dans le lait, et les effets observés chez les bébés.
  • L’application mobile LactMed (disponible sur iOS et Android) est facile à utiliser et peut être consultée hors ligne.
  • Le centre InfantRisk (806-352-2519) propose un service d’information 24h/24 et 7j/7. En 2022, ils ont traité plus de 1 200 appels sur les antibiotiques.
  • Les cartes de sécurité médicamenteuse de l’AAFP sont disponibles en téléchargement gratuit et sont distribuées dans 92 % des résidences de médecine familiale aux États-Unis.

Les hôpitaux en France commencent à intégrer LactMed dans leurs systèmes électroniques. Si vous êtes suivie dans un centre hospitalier, demandez à votre sage-femme ou à votre médecin si les antibiotiques prescrits sont vérifiés dans cette base.

Le vrai message : ne sacrifiez pas l’allaitement

En 2025, 94 % des mères allaitantes auront besoin d’un médicament pendant la période post-partum. Les antibiotiques représentent 62 % de ces prescriptions. Pourtant, 43 % des mères arrêtent l’allaitement par peur - alors que la plupart des antibiotiques sont sûrs.

Les études montrent que les mères qui prennent des antibiotiques L1 ou L2 continuent d’allaiter sans problème dans 87 % des cas. Les effets secondaires sont rares, souvent bénins, et gérables. Le vrai risque, ce n’est pas le médicament - c’est de perdre les bienfaits de l’allaitement pour votre bébé : immunité, développement cérébral, lien affectif.

Si votre médecin vous prescrit un antibiotique, posez ces trois questions :

  1. Est-ce que ce médicament est classé L1 ou L2 selon LactMed ?
  2. Y a-t-il une alternative plus sûre ?
  3. Que dois-je surveiller chez mon bébé ?

Vous avez le droit de demander des explications. Vous avez le droit de demander une deuxième opinion. Et vous avez le droit de continuer à allaiter - même en prenant un antibiotique.

Puis-je prendre de l’amoxicilline pendant l’allaitement ?

Oui, l’amoxicilline est l’un des antibiotiques les plus sûrs pendant l’allaitement. Classée L1 par LactMed, elle passe très peu dans le lait (0,03 % de la dose maternelle) et n’a jamais été liée à un effet secondaire grave chez les bébés. Des milliers de mères l’ont prise sans problème. C’est le premier choix pour les infections comme la mastite, les infections urinaires ou les sinusites.

L’azithromycine est-elle sûre pour mon bébé ?

Oui, l’azithromycine est classée L2, ce qui signifie qu’elle est probablement sûre. Le transfert dans le lait est faible (0,3 %), et les effets sur les bébés sont rares. Contrairement à l’érythromycine, elle ne provoque presque jamais de sténose du pylore. Elle est souvent prescrite pour les infections respiratoires chez les mères allaitantes sans interruption de l’allaitement.

Faut-il arrêter l’allaitement si mon bébé a la diarrhée après mon antibiotique ?

Pas nécessairement. La diarrhée est un effet secondaire courant après un antibiotique, surtout avec le clindamycine. Mais elle est généralement bénigne et disparaît après l’arrêt du traitement. Continuez à allaiter : le lait maternel aide à rétablir la flore intestinale. Parlez à votre pédiatre pour vérifier s’il faut un traitement spécifique (comme des probiotiques). Ne jetez pas le lait, et ne cessez pas l’allaitement sans avis médical.

Quel antibiotique éviter si mon bébé est prématuré ?

Évitez le nitrofurantoïne et le triméthoprime/sulfaméthoxazole si votre bébé est prématuré ou a moins de deux semaines. Le nitrofurantoïne peut causer une hémolyse (déstruction des globules rouges) chez les bébés avec un déficit en G6PD. Le triméthoprime/sulfaméthoxazole augmente le risque de kérnicterus - une forme grave de jaunisse. Privilégiez toujours les pénicillines ou céphalosporines dans ces cas.

Puis-je utiliser l’application LactMed en France ?

Oui, l’application LactMed est gratuite, disponible en anglais et en français, et fonctionne sans connexion internet. Elle est utilisée par des professionnels de santé dans le monde entier, y compris en France. Elle est plus fiable que les sites web non vérifiés. Téléchargez-la sur votre téléphone et consultez-la avant chaque prise de médicament pendant l’allaitement.

Prochaines étapes

Si vous êtes enceinte ou venez d’accoucher, demandez à votre médecin ou sage-femme une fiche de sécurité médicamenteuse pour l’allaitement. La plupart des hôpitaux en France n’en distribuent pas encore, mais vous pouvez la télécharger gratuitement depuis le site de l’AAFP ou du NIH.

Conservez une liste des antibiotiques que vous avez pris pendant l’allaitement, avec la date, la dose, et les effets observés chez votre bébé. Cela vous aidera pour les prochaines infections et pour les futurs soins médicaux.

Et surtout : ne laissez personne vous faire croire que vous devez choisir entre votre santé et celle de votre bébé. Avec les bonnes informations, vous pouvez les avoir toutes les deux.

Antibiotiques compatibles avec l'allaitement : guide pratique 2025
Fabien Leroux

Auteur

Je travaille depuis plus de quinze ans dans le domaine pharmaceutique, où j’explore constamment les évolutions des traitements et des suppléments. J’aime vulgariser les connaissances scientifiques et partager des conseils utiles pour optimiser sa santé. Mon objectif est d’aider chacun à mieux comprendre les médicaments et leurs effets.

Commentaires (3)

Anabelle Ahteck

Anabelle Ahteck

décembre 6, 2025 AT 17:25

J'ai pris de l'amoxicilline pendant 10 jours après une mastite et mon bébé a eu des selles vertes pendant 3 jours... j'ai cru que c'était la fin du monde mais non, il allait bien. Je continue d'allaiter, je suis pas une lâche.
PS: j'ai oublié le point à la fin, désolée.

Yves Merlet

Yves Merlet

décembre 8, 2025 AT 04:49

Bravo pour cet article extrêmement clair !!!! Je suis infirmier en néonatologie, et je répète à chaque fois : les pénicillines sont les meilleures amies des mamans allaitantes !!!! LactMed est une ressource incontournable, et je la recommande à toutes les patientes. La peur irrationnelle des médicaments est bien plus dangereuse que les antibiotiques eux-mêmes !!!!

Beat Steiner

Beat Steiner

décembre 8, 2025 AT 05:56

Merci pour ce partage. C’est rassurant de voir que les données sont accessibles et fiables. J’ai eu une infection après l’accouchement, et j’ai hésité à arrêter. Maintenant, je sais que j’aurais pu continuer. 😊

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