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CBD et médicaments sur ordonnance : risques d'interactions et ce que vous devez savoir
  • Par Fabien Leroux
  • 16/11/25
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Vous prenez un médicament sur ordonnance et vous envisagez d’essayer le CBD pour soulager la douleur, l’anxiété ou le sommeil ? Attention. Ce n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Le CBD, bien qu’il soit naturel et largement disponible, peut modifier de manière dangereuse la façon dont votre corps traite des médicaments essentiels. Ce n’est pas une hypothèse théorique : des cas réels de saignements, d’overdoses de médicaments et d’échecs de traitements ont été documentés. Et la plupart des gens ne le savent pas.

Comment le CBD interfère avec vos médicaments

Le CBD ne se contente pas de passer dans votre corps. Il s’immisce dans un système clé : les enzymes du foie appelées CYP450. Ces enzymes sont responsables de la dégradation de 95 % des médicaments sur ordonnance. Quand vous prenez du CBD, il bloque partiellement ces enzymes. Résultat ? Vos médicaments ne sont pas éliminés comme ils le devraient. Ils s’accumulent dans votre sang. Cela peut les rendre trop puissants. Ou, dans certains cas, le CBD peut accélérer leur dégradation, les rendant inutiles.

C’est la même mécanique que celle du pamplemousse. Si votre médicament porte un avertissement « À ne pas prendre avec du pamplemousse », il est très probable qu’il réagisse aussi avec le CBD. Ce n’est pas une coïncidence. Les deux bloquent les mêmes enzymes, surtout CYP3A4 et CYP2C19. Des études montrent que plus de 60 % des médicaments prescrits sont concernés.

Les médicaments à risque élevé

Certains médicaments sont particulièrement sensibles. Ceux avec une « fenêtre thérapeutique étroite » (NTI) signifient que la différence entre une dose efficace et une dose toxique est mince. Même une petite augmentation peut causer des dommages graves.

Voici les médicaments les plus à risque selon les données cliniques :

  • Warfarine (Coumadin) : un anticoagulant. Le CBD peut augmenter son taux dans le sang, augmentant le risque de saignements internes. Des cas ont été rapportés où les patients ont dû réduire leur dose de warfarine après avoir commencé le CBD.
  • Amiodarone : un médicament pour les troubles du rythme cardiaque. Une accumulation peut provoquer une toxicité cardiaque.
  • Levothyroxine : pour l’hypothyroïdie. Le CBD peut réduire son efficacité, ce qui fait remonter les symptômes de fatigue, de prise de poids et de dépression.
  • Clobazam, Lamotrigine, Valproate : des anticonvulsivants. Le CBD peut les rendre trop puissants, augmentant la somnolence, les vertiges, voire les troubles neurologiques.
  • Tacrolimus et Sirolimus : des immunosuppresseurs. Le CBD peut faire grimper leurs taux à des niveaux toxiques, augmentant le risque d’infections graves ou de rejet de greffe.

La plupart de ces médicaments sont pris à long terme. Une interaction n’est pas un risque ponctuel. C’est un danger constant, surtout si vous utilisez le CBD régulièrement.

Les signes d’alerte à ne pas ignorer

Si vous prenez du CBD avec un médicament, surveillez ces symptômes :

  • Une fatigue inhabituelle ou une somnolence excessive
  • Des étourdissements ou des pertes d’équilibre
  • Des saignements inhabituels (gencives, nez, urine, selles noires)
  • Des nausées, des vomissements ou une perte d’appétit
  • Des changements dans votre humeur ou votre clarté mentale

Un cas récent documenté dans une revue médicale concernait un patient de 68 ans qui prenait du warfarine et a commencé à utiliser un huile de CBD à 25 mg/jour. Deux semaines plus tard, son taux INR (mesure de la coagulation) a explosé à 8,5 - une valeur dangereusement élevée. Il a dû être hospitalisé pour un saignement gastro-intestinal. Il n’avait pas parlé de son CBD à son médecin.

Bouteilles de médicaments étouffées par des vignes CBD, des gouttes de sang et des chiffres INR flottants dans l'air.

Le CBD et le foie : un risque caché

Le CBD n’interfère pas seulement avec les médicaments. Il peut aussi endommager le foie, surtout à haute dose. Dans les essais cliniques du médicament Epidiolex (CBD purifié), environ 20 % des patients ont vu leurs enzymes hépatiques s’envoler - un signe d’inflammation du foie. Ce risque est plus élevé chez les personnes ayant déjà un foie fragile, ou qui prennent d’autres médicaments qui affectent le foie, comme certains antibiotiques ou antifongiques.

Les personnes atteintes d’insuffisance hépatique modérée à sévère doivent éviter le CBD. L’Agence européenne des médicaments et la FDA le déconseillent formellement. Même si vous n’avez pas de diagnostic, si vous buvez régulièrement de l’alcool, prenez des analgésiques comme le paracétamol à long terme, ou avez un historique d’hepatite, votre foie est déjà sous pression. Ajouter du CBD peut être comme ajouter du poids à un pont déjà surchargé.

Le pamplemousse : un indicateur simple

Vous n’avez pas besoin d’être un expert en pharmacologie pour savoir si le CBD est risqué avec votre médicament. Regardez simplement l’étiquette de votre ordonnance. Si elle dit « Ne pas consommer avec du pamplemousse », alors le CBD est aussi à éviter. Environ 85 médicaments sur ordonnance portent cet avertissement. C’est un indicateur fiable, simple et immédiat.

Les médicaments concernés incluent : certains statines (pour le cholestérol), certains antihypertenseurs, certains antidépresseurs, certains traitements contre le cancer, et même certains médicaments contre la migraine. Si votre pharmacien vous a déjà parlé du pamplemousse, il faut en faire autant avec le CBD.

Que faire si vous voulez essayer le CBD ?

Il n’est pas question de dire « ne jamais le prendre ». Mais il faut le faire avec prudence. Voici ce que recommandent les experts :

  1. Parlez à votre médecin avant de commencer. Apportez la liste complète de vos médicaments - y compris les compléments, les herbes et les vitamines. Ne supposez pas qu’ils savent ce que vous prenez.
  2. Consultez votre pharmacien. Ce sont les spécialistes des interactions. Ils ont accès à des outils en temps réel pour vérifier les risques. Beaucoup proposent des consultations gratuites.
  3. Commencez très lentement. Si votre médecin approuve, commencez avec 5 à 10 mg de CBD par jour. Ne sautez pas à 50 mg ou 100 mg. Le risque augmente avec la dose.
  4. Espacez la prise. Prenez votre médicament et votre CBD à des heures différentes. Par exemple, prenez votre warfarine le matin, et votre CBD le soir. Cela réduit la surcharge sur les enzymes.
  5. Surveillez les signes. Notez tout changement dans votre corps. Si vous vous sentez plus fatigué, plus étourdi, ou si vous avez des saignements, arrêtez et consultez.
  6. Choisissez des produits testés. Près de 70 % des marques sérieuses fournissent maintenant un certificat d’analyse (CoA) vérifiable. Vérifiez que le produit contient bien ce qu’il dit, et qu’il est exempt de contaminants.
Patient aux organes déchirés par des tentacules CBD, médecin au visage fondant, bouteille de CBD murmurant un avertissement.

Les erreurs à éviter

Beaucoup de gens pensent que « naturel » = « sans danger ». Ce n’est pas vrai. Le CBD n’est pas un complément inoffensif. Il agit comme un médicament. Et comme tout médicament, il a des effets secondaires et des interactions.

Évitez ces erreurs :

  • Ne pas en parler à votre médecin parce que vous pensez que « ce n’est pas important »
  • Prendre du CBD avec un médicament à fenêtre étroite sans surveillance
  • Utiliser des produits non testés, surtout ceux achetés en ligne ou sur les marchés
  • Confondre le CBD avec le THC - le CBD ne vous fait pas « high », mais il peut toujours vous rendre malade en interagissant avec vos médicaments
  • Penser que « moins de 0,3 % de THC » signifie « sans risque » - le THC n’est pas le problème ici, c’est le CBD lui-même

Que dit la réglementation ?

La FDA a reçu plus de 4 800 rapports d’effets indésirables liés au CBD d’ici septembre 2023. Un nombre croissant de ces rapports mentionnent des interactions médicamenteuses. En février 2024, l’agence a annoncé qu’elle exigerait des fabricants de CBD de clarifier les avertissements sur les interactions sur les emballages - une mesure qui devrait entrer en vigueur avant la fin de l’année.

En France, le CBD est autorisé à condition qu’il ne contienne aucune trace de THC. Mais il n’est pas réglementé comme un médicament. Cela signifie que les produits ne sont pas testés pour leur pureté, leur dose, ni leur sécurité en combinaison avec d’autres traitements. Vous êtes seul face à ce risque.

Et si vous ne pouvez pas vous passer du CBD ?

Certaines personnes trouvent un soulagement réel avec le CBD - pour l’arthrite, l’anxiété, ou les troubles du sommeil. Si vous êtes dans ce cas, et que vous prenez un médicament critique, il existe des alternatives :

  • Des thérapies non pharmacologiques : acupression, thérapie cognitivo-comportementale, exercice modéré
  • Des compléments avec moins de risques : la mélatonine pour le sommeil, la magnésie pour l’anxiété
  • Des huiles essentielles testées (lavande, camomille) - bien qu’elles aient aussi leurs propres interactions, elles sont généralement moins puissantes que le CBD

Il n’y a pas de solution universelle. Mais il y a une règle simple : si votre médicament peut vous tuer s’il est mal dosé, alors le CBD n’est pas un jeu. C’est une décision médicale.

Le CBD peut-il rendre mes médicaments inutiles ?

Oui. Le CBD peut accélérer la dégradation de certains médicaments, surtout ceux métabolisés par les enzymes CYP3A4. Cela peut faire chuter leur concentration dans le sang, les rendant inefficaces. C’est le cas pour certains anticonvulsivants, certains antirétroviraux et certains traitements contre le cancer. Si vous remarquez que votre médicament ne fonctionne plus aussi bien, le CBD pourrait en être la cause.

Puis-je prendre du CBD avec un anticoagulant comme la warfarine ?

Non, sans surveillance médicale stricte. Le CBD augmente fortement les niveaux de warfarine dans le sang, ce qui augmente considérablement le risque de saignements graves, voire mortels. Des cas d’hospitalisation ont été documentés. Si vous devez absolument l’essayer, votre médecin devra surveiller votre taux INR chaque semaine au début, et ajuster votre dose de warfarine en conséquence. Même alors, le risque reste élevé.

Le CBD est-il plus dangereux que le THC ?

Pour les interactions médicamenteuses, oui. Le CBD est un inhibiteur puissant des enzymes CYP450. Le THC l’est aussi, mais dans une moindre mesure. La plupart des interactions graves documentées impliquent le CBD, pas le THC. De plus, les produits CBD légaux en France ne contiennent pas de THC - donc le risque vient uniquement du CBD lui-même.

Combien de temps le CBD reste-t-il dans le corps ?

Le CBD peut rester dans votre système de 18 à 32 heures après une prise unique. Mais son effet sur les enzymes du foie peut durer plusieurs jours, surtout si vous le prenez régulièrement. Cela signifie que même si vous arrêtez le CBD un jour, vous pourriez encore être à risque d’interaction avec vos médicaments pendant plusieurs jours après.

Les produits CBD bio ou naturels sont-ils plus sûrs ?

Non. Le risque d’interaction ne vient pas de la qualité ou de l’origine du CBD, mais de sa structure chimique. Un CBD bio ou « naturel » inhibe les mêmes enzymes qu’un CBD synthétique. Ce qui compte, c’est la dose et la fréquence d’utilisation, pas le label « bio ». Même un produit « pur » peut être dangereux s’il est pris avec un médicament à fenêtre étroite.

CBD et médicaments sur ordonnance : risques d'interactions et ce que vous devez savoir
Fabien Leroux

Auteur

Je travaille depuis plus de quinze ans dans le domaine pharmaceutique, où j’explore constamment les évolutions des traitements et des suppléments. J’aime vulgariser les connaissances scientifiques et partager des conseils utiles pour optimiser sa santé. Mon objectif est d’aider chacun à mieux comprendre les médicaments et leurs effets.