Calculateur de risque de réactivation tuberculeuse
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Les inhibiteurs du TNF (facteur de nécrose tumorale-alpha) ont révolutionné le traitement des maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite ankylosante ou la maladie de Crohn. Mais derrière leur efficacité se cache un risque sérieux : la réactivation de la tuberculose latente. Ce n’est pas une hypothèse théorique. C’est une réalité clinique bien documentée, avec des cas graves, parfois mortels, qui surviennent même chez des patients soigneusement dépistés.
Pourquoi les inhibiteurs du TNF augmentent-ils le risque de tuberculose ?
Le TNF-alpha est une protéine essentielle à la défense de l’organisme contre Mycobacterium tuberculosis. Il aide à former et à maintenir les granulomes - ces structures compactes dans les poumons qui enferment les bactéries et les empêchent de se propager. Quand vous prenez un inhibiteur du TNF, vous désactivez partiellement cette défense naturelle. Résultat : des bactéries endormies depuis des années peuvent se réveiller, se multiplier et provoquer une tuberculose active.
Le risque n’est pas le même pour tous les médicaments. Les inhibiteurs du TNF se divisent en deux grandes familles. D’un côté, l’étanércept (Enbrel), qui agit comme un récepteur soluble du TNF. De l’autre, les anticorps monoclonaux comme l’infliximab (Remicade) et l’adalimumab (Humira), qui se lient directement au TNF présent à la surface des cellules. Ce dernier type est beaucoup plus dangereux. Des études montrent que le risque de tuberculose est plus de trois fois plus élevé avec l’infliximab ou l’adalimumab que avec l’étanércept. Pourquoi ? Parce que les anticorps monoclonaux bloquent aussi le TNF membranaire - celui qui tient les granulomes ensemble. L’étanércept, lui, laisse cette partie du système immunitaire intacte.
Qui est vraiment à risque ?
Le risque de réactivation dépend de deux choses : le médicament que vous prenez, et où vous vivez. Dans les pays à faible prévalence de tuberculose comme les États-Unis, le risque absolu reste faible - environ 1 cas pour 1 000 patients par an. Mais dans les pays à forte charge de tuberculose, comme l’Inde, le Nigeria ou certaines régions d’Afrique de l’Est, ce risque peut être dix fois plus élevé.
Les données de l’étude BSRBR (British Society for Rheumatology Biologics Register) confirment cela : les patients traités par infliximab ont un risque 3,3 fois plus élevé que ceux sous étanércept. Et ce n’est pas une anomalie. Des études récentes en France, en Allemagne et au Japon retrouvent le même schéma. Même si vous avez été dépisté et traité, le risque persiste - surtout si vous venez d’un pays à risque élevé, si vous avez été exposé récemment à un cas de tuberculose, ou si vous êtes immunodéprimé par d’autres traitements comme les corticoïdes.
Le dépistage : ce qu’il faut faire avant de commencer
Avant de prescrire un inhibiteur du TNF, un dépistage de la tuberculose latente (LTBI) est obligatoire. Deux tests existent : le test cutané à la tuberculine (TST) et le test de libération d’interféron-gamma (IGRA). L’IGRA est plus précis chez les personnes vaccinées par le BCG - un avantage majeur dans les pays où le BCG est administré à la naissance.
En pratique, la majorité des patients (87 % dans une étude récente) passent un TST. Mais les directives européennes et américaines recommandent maintenant un dépistage en deux étapes pour les patients à haut risque : un IGRA en premier, puis un TST si le premier est négatif. Pourquoi ? Parce que les tests peuvent donner de faux négatifs - surtout chez les personnes âgées, les diabétiques, ou celles sous corticoïdes. Une étude de 2023 a montré que 18 % des cas de tuberculose réactivée avaient eu un dépistage négatif avant traitement.
Si le dépistage est positif, un traitement de la tuberculose latente est indispensable. La durée standard était de 9 mois d’isoniazide. Mais depuis 2024, une nouvelle association - rifampicine + isoniazide pendant 4 mois - est recommandée. Elle est mieux tolérée, et l’adhésion passe de 68 % à 89 %. Ce n’est pas un détail : un patient qui arrête son traitement à cause de troubles hépatiques augmente son risque de tuberculose active de 300 %.
Le suivi pendant le traitement : ne pas se contenter du dépistage initial
Le dépistage avant le traitement ne suffit pas. La tuberculose peut apparaître même après 6 mois de traitement. La majorité des cas (70 %) surviennent dans les 3 à 6 premiers mois. C’est pourquoi un suivi actif est crucial.
Chaque trimestre pendant la première année, le patient doit être interrogé sur les signes d’alerte : fièvre persistante, sueurs nocturnes, perte de poids inexpliquée, toux de plus de 2 semaines. Si un seul de ces symptômes apparaît, une évaluation immédiate est nécessaire - y compris une radiographie thoracique et des examens de crachats. Dans 78 % des cas de tuberculose sous inhibiteur du TNF, la maladie n’est pas pulmonaire. Elle touche les ganglions, les os, le cerveau ou les reins. C’est ce qu’on appelle la tuberculose extrapulmonaire. Et elle est plus difficile à diagnostiquer.
Un autre piège : le syndrome IRIS (réaction inflammatoire de reconstitution immunitaire). Il peut survenir 2 à 4 mois après le début du traitement anti-tuberculeux, quand le système immunitaire se réveille trop fort et attaque les tissus déjà endommagés. Cela peut ressembler à une aggravation de la tuberculose, alors que c’est une réaction immunitaire. Il faut parfois traiter ce syndrome par des corticoïdes pendant plusieurs mois.
Les limites du système : quand les protocoles échouent
Malgré les recommandations, les failles sont nombreuses. Dans une enquête menée en 2022 aux États-Unis, 27 % des patients ayant un dépistage positif ont vu leur traitement biologique retardé - pas parce qu’ils n’avaient pas été traités, mais parce que les dossiers médicaux étaient incomplets. Dans d’autres cas, les patients n’ont même pas été dépistés. Une infirmière sur Reddit racontait avoir vu un patient originaire du Mali, dépisté négatif, développer une tuberculose disséminée après 3 mois d’adalimumab. Le test cutané avait été faux négatif, et l’IGRA n’était pas disponible dans son centre.
Les cliniques dans les pays à ressources limitées sont particulièrement vulnérables. Selon l’OMS, 80 % des centres de rhumatologie en Afrique subsaharienne n’ont pas accès à l’IGRA. Les patients sont donc dépistés avec le TST, moins fiable, et souvent sans suivi post-traitement. Le résultat ? Un taux de mortalité 23 % plus élevé que pour la tuberculose communautaire.
Et l’avenir ? Des traitements plus sûrs
Les chercheurs travaillent à des inhibiteurs du TNF plus ciblés. Des molécules expérimentales, comme celles qui bloquent uniquement le TNF soluble et laissent le TNF membranaire intact, ont réduit de 80 % le risque de tuberculose chez les modèles animaux. Ces traitements sont en phase II d’essais cliniques. Ils pourraient changer la donne dans les 5 prochaines années.
En attendant, la règle reste simple : ne jamais commencer un inhibiteur du TNF sans dépistage. Ne jamais arrêter un traitement de la tuberculose latente à cause de la peur des effets secondaires. Et ne jamais ignorer les symptômes après le début du traitement.
Les erreurs à éviter
- Ne pas dépister les patients venant de pays à forte prévalence de tuberculose, même s’ils n’ont aucun symptôme.
- Ne pas traiter la tuberculose latente avant de commencer le traitement biologique.
- Ne pas surveiller les patients après 6 mois de traitement.
- Confondre une tuberculose extrapulmonaire avec une infection bénigne.
- Utiliser un seul test (TST ou IGRA) chez les patients à haut risque sans double dépistage.
Pourquoi l’infliximab et l’adalimumab sont-ils plus risqués que l’étanércept pour la tuberculose ?
L’infliximab et l’adalimumab sont des anticorps monoclonaux qui bloquent à la fois le TNF soluble et le TNF présent à la surface des cellules (TNF membranaire). Ce dernier est essentiel pour maintenir l’intégrité des granulomes, ces structures qui enferment la bactérie de la tuberculose. L’étanércept, lui, ne bloque que le TNF soluble, laissant le TNF membranaire fonctionnel. C’est pourquoi le risque de réactivation est 3 à 4 fois plus élevé avec les anticorps monoclonaux.
Faut-il dépister tous les patients avant de commencer un inhibiteur du TNF ?
Oui. Tous les patients, sans exception, doivent être dépistés pour la tuberculose latente avant de commencer un inhibiteur du TNF, même s’ils viennent d’un pays à faible prévalence. Les faux négatifs existent, et la tuberculose peut être réactivée même chez des patients sans antécédent connu. Les directives internationales (CDC, ATS, EULAR) le recommandent unanimement.
Que faire si un patient a un dépistage positif mais refuse le traitement de la tuberculose latente ?
Le traitement de la tuberculose latente n’est pas optionnel : il réduit le risque de réactivation de 70 à 90 %. Si le patient refuse, il faut lui expliquer les risques : une tuberculose active peut être mortelle, surtout sous traitement immunosuppresseur. Si la réticence vient des effets secondaires, proposer le nouveau protocole de 4 mois (rifampicine + isoniazide), qui est mieux toléré. Dans les cas extrêmes, envisager un traitement alternatif non-TNF, comme les inhibiteurs de JAK ou les anticorps anti-IL-17.
Peut-on faire un dépistage pendant le traitement ?
Le dépistage initial est obligatoire, mais un dépistage répété pendant le traitement n’est pas recommandé pour les patients asymptomatiques. Les tests ne sont pas fiables pour détecter une réactivation en cours. En revanche, un suivi symptomatique trimestriel est indispensable. Si des signes apparaissent (fièvre, toux, perte de poids), il faut faire une radiographie et des examens microbiologiques immédiatement.
Quels sont les signes d’alerte d’une tuberculose réactivée sous inhibiteur du TNF ?
Les signes sont souvent atypiques. En plus de la toux et de la fièvre, surveillez : sueurs nocturnes, perte de poids inexpliquée, douleurs osseuses ou articulaires, ganglions enflés, maux de tête persistants, ou troubles neurologiques. La tuberculose extrapulmonaire est fréquente - jusqu’à 78 % des cas - et peut toucher n’importe quel organe. Ne jamais attendre les symptômes pulmonaires classiques.
