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Signes d'une surdose médicamenteuse chez l'enfant et quand appeler le centre antipoison
  • Par Fabien Leroux
  • 31/12/25
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Quand un enfant ingère trop de médicament, même par accident, les conséquences peuvent être mortelles. Ce n’est pas une situation rare : chaque année, plus d’un million d’expositions médicamenteuses impliquent des enfants de moins de 6 ans aux États-Unis, selon les données du American Association of Poison Control Centers. La plupart de ces cas se produisent à la maison, souvent parce qu’un médicament était mal rangé, mal mesuré, ou confondu avec un bonbon. Ce qui rend ces surdoses particulièrement dangereuses, c’est que les premiers signes peuvent être discrets - voire absents - pendant des heures, alors que les dommages internes progressent silencieusement.

Comment reconnaître une surdose chez un enfant ?

Les signes d’une surdose dépendent du médicament concerné. Mais certains symptômes sont universels et doivent vous alerter immédiatement. Si votre enfant est soudainement très somnolent, ne répond pas quand vous lui parlez, ou semble « inerte » comme un pantin, c’est une urgence. Même s’il semble juste « endormi », ne le laissez pas dormir. Réveillez-le, parlez-lui fort, frottez doucement la partie inférieure de son sternum avec vos doigts. S’il ne réagit pas, appelez le 911 sans attendre.

Si l’enfant a ingéré un opioïde - comme de la morphine, de l’oxycodone, ou même du fentanyl présent dans certains faux médicaments - les signes sont clairs : les pupilles deviennent minuscules, comme des points, la peau est froide et humide, les lèvres ou les ongles prennent une teinte bleuâtre ou grise, et la respiration devient très lente, irrégulière, ou s’arrête. Certains enfants émettent des sons de gargouillement ou de étouffement. Ces signes sont des alertes rouges. Le fentanyl est particulièrement dangereux : une dose minuscule peut tuer un enfant. Si vous avez du naloxone à portée de main, administrez-le immédiatement, puis appelez les secours.

Pour l’acetaminophène (Tylenol), c’est différent. Les premières heures, l’enfant peut sembler normal. Il ne vomit pas, ne pleure pas, ne se plaint pas. Pourtant, son foie est en train de se détruire. Au bout de 12 à 24 heures, des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales et une fatigue extrême apparaissent. À ce stade, il est souvent trop tard pour une guérison complète. C’est pourquoi, même si votre enfant semble bien après avoir pris trop de Tylenol, vous devez appeler le centre antipoison dès que vous suspectez une surdose. Le traitement au N-acétylcystéine (NAC) est efficace à 100 % s’il est donné dans les 8 heures. Après 16 heures, son efficacité chute à 40 %.

Les surdoses de stimulants - comme les médicaments pour le TDAH (Adderall, Ritalin) - se manifestent par une agitation extrême, une respiration rapide, une transpiration abondante, une température corporelle élevée, des hallucinations, des convulsions, ou même un accident vasculaire cérébral. Certains enfants deviennent violents, paniqués, ou délirants. Là encore, ne pas attendre. Leur cœur peut s’arrêter.

Quand appeler le centre antipoison ?

Ne patientez pas pour voir si les symptômes apparaissent. Si vous pensez qu’un enfant a pris un médicament en excès - même si vous n’êtes pas sûr - appelez le centre antipoison. En France, le numéro est le 15 ou le 01 40 05 48 48 (Centre Antipoison de Strasbourg). Aux États-Unis, c’est le 1-800-222-1222. Ces lignes sont gratuites, 24h/24, et les spécialistes savent exactement quoi faire selon le produit ingéré, la quantité, l’âge de l’enfant, et son poids.

Vous avez une bouteille de sirop vide à côté de l’enfant ? Il a avalé un comprimé que vous ne reconnaissiez pas ? Il a trouvé une pilule dans la poche de votre manteau ? Appellez. Même si vous avez peur d’être jugé. Même si vous pensez que c’est « juste une petite quantité ». Les centres antipoison ne jugent pas. Ils sauvent des vies.

La technologie a aussi évolué : le site webPOISONCONTROL® permet de saisir les détails de l’exposition en ligne et d’obtenir une réponse en quelques minutes. Mais si l’enfant montre des signes de détresse - respiration difficile, perte de conscience, convulsions - ne perdez pas de temps avec un site. Appelez immédiatement les secours.

Quand appeler le 911 ou les secours d’urgence ?

Ne confondez pas le centre antipoison avec les urgences. Le centre antipoison vous guide. Les secours viennent vous sauver. Appellez le 911 (ou le 15 en France) si votre enfant :

  • Ne répond pas du tout, même en le secouant doucement
  • Ne respire pas ou respire très lentement (moins de 8 respirations par minute)
  • A les lèvres ou les ongles bleus ou gris
  • Se met à trembler, à convulser, ou à avoir des crises
  • Est très agité, délirant, ou a des hallucinations
  • Présente un gonflement du visage, des lèvres, ou de la langue
  • A une éruption cutanée rapide et étendue

Si vous voyez l’un de ces signes, ne perdez pas de temps à appeler le centre antipoison en premier. Appuyez sur le bouton d’urgence. Pendant que vous attendez les secours, si vous êtes formé, commencez la réanimation respiratoire. Si vous avez du naloxone et que vous suspectez un opioïde, administrez-le. Chaque minute compte.

Mère tenant une bouteille de Tylenol, foie monstrueux sous le lit de l'enfant endormi, symboles médicaux en encre noire.

Les médicaments les plus dangereux pour les enfants

Les données montrent que certains produits reviennent plus souvent dans les cas de surdose :

  • Acetaminophène : présent dans 70 % des médicaments contre la fièvre ou la douleur. Beaucoup de parents ne savent pas que le sirop contre la toux, les comprimés pour le rhume, et les analgésiques peuvent tous contenir de l’acetaminophène. En combinant deux produits, ils dépassent facilement la dose toxique.
  • Préparations contre la toux et le rhume : contiennent souvent des antihistaminiques ou des décongestionnants qui provoquent des troubles du rythme cardiaque ou des convulsions chez les jeunes enfants.
  • Médicaments pour le TDAH : les stimulants peuvent provoquer des surdoses mortelles même avec une seule pilule en trop.
  • Médicaments pour les adultes : les comprimés pour la pression artérielle, le diabète, ou la dépression sont extrêmement toxiques pour les enfants. Un seul comprimé peut être fatal.
  • Produits à base de cannabis : les gélules, les bonbons ou les huiles contenant du THC ont vu leur nombre d’expositions chez les enfants augmenter de 1 475 % entre 2017 et 2022. Les effets peuvent être très graves : somnolence extrême, respiration lente, coma.

Comment prévenir les surdoses à la maison ?

Prévenir, c’est sauver. Voici ce que vous pouvez faire dès aujourd’hui :

  • Rangez tout en hauteur, dans un placard fermé à clé. 60 % des intoxications ont lieu dans la maison de l’enfant. Même les bouteilles vides ou les boîtes ouvertes peuvent être tentantes.
  • Ne dites jamais qu’un médicament est un bonbon. Même en plaisantant. Un enfant ne comprend pas la différence entre une blague et une règle de sécurité.
  • Utilisez toujours la cuillère ou la seringue fournie avec le médicament. Les cuillères à soupe de cuisine ne sont pas précises. Une surdose d’acetaminophène peut venir d’un simple excès de 5 ml.
  • Ne combinez jamais deux médicaments sans vérifier les ingrédients. Regardez toujours la liste des substances actives. Si deux produits contiennent de l’acetaminophène, ne les donnez pas ensemble.
  • Supprimez les médicaments périmés. Ne les gardez pas dans la salle de bain. Les pharmacies acceptent souvent les retraits de médicaments.
  • Enseignez à vos enfants que les médicaments ne sont pas des jouets. Même les comprimés colorés.

La bonne nouvelle ? Depuis que les flacons de sirop d’acetaminophène sont obligatoirement emballés en doses unitaires (exigence FDA depuis 2020), les surdoses accidentelles chez les enfants ont diminué de 19 %. Cela prouve que les mesures simples fonctionnent.

Enfant atteignant une pilule colorée comme un bonbon, des silhouettes fantomatiques d'adultes derrière lui, bouteilles vides au sol.

Que faire après avoir appelé les secours ?

Restez calme. Gardez la bouteille ou le paquet du médicament à portée de main. Les secours ou le centre antipoison vont vous demander :

  • Le nom du médicament (même si vous ne le connaissez pas, décrivez-le : couleur, forme, inscription)
  • La quantité estimée ingérée
  • L’heure à laquelle cela s’est produit
  • L’âge et le poids de l’enfant
  • Les symptômes observés

Ne tentez pas de faire vomir l’enfant. Ne donnez pas de charbon activé sans instruction. Ces gestes peuvent aggraver les choses. Suivez les consignes des professionnels. Même si l’enfant semble aller mieux, il faut une surveillance médicale. Les dommages peuvent se manifester des heures plus tard.

Les faits que personne ne vous dit

70 % des surdoses d’acetaminophène chez les enfants viennent d’une erreur de dosage, pas d’une ingestion volontaire. Les parents pensent qu’ils donnent une dose « plus forte » pour que ça fasse effet plus vite. C’est une erreur mortelle.

Les enfants de moins de 5 ans représentent près de la moitié de toutes les exposures médicamenteuses. Ils ne parlent pas encore bien. Ils ne disent pas « j’ai pris un médicament ». Ils pleurent, ils dorment, ils sont pâles. Vous devez être le premier à voir.

Le nombre de décès liés aux surdoses médicamenteuses chez les enfants de 1 à 4 ans a augmenté de 24 % entre 2018 et 2022. Ce n’est pas une statistique lointaine. C’est un risque réel dans votre salon, votre cuisine, votre salle de bain.

Vous ne pouvez pas tout prévoir. Mais vous pouvez être prêt. Connaître les signes. Connaître les numéros. Savoir que la rapidité sauve.

Que faire si mon enfant a avalé un médicament mais ne montre aucun symptôme ?

Appelez immédiatement le centre antipoison, même si l’enfant semble bien. Certains médicaments, comme l’acetaminophène, causent des dommages internes silencieux pendant des heures avant que les symptômes n’apparaissent. Le traitement peut être efficace à 100 % s’il est administré dans les 8 heures. Attendre peut coûter la vie de votre enfant.

Est-ce que les emballages résistants aux enfants suffisent ?

Non. Même les emballages « enfants résistants » sont ouverts par 20 % des enfants de moins de 5 ans en moins de 5 minutes. Ce n’est pas une barrière absolue. La seule protection fiable est de ranger les médicaments dans un placard fermé à clé, hors de portée et de vue.

Puis-je utiliser le naloxone chez un enfant ?

Oui. Le naloxone est sûr et efficace pour inverser une surdose d’opioïdes chez les enfants. Si vous suspectez une ingestion d’opioïde (présence de pupilles très petites, respiration lente, peau froide), administrez une dose de naloxone selon les instructions du dispositif, puis appelez les secours immédiatement. Une deuxième dose peut être nécessaire après 2 à 3 minutes si l’enfant ne répond pas.

Comment savoir si un médicament contient de l’acetaminophène ?

Regardez toujours la liste des « ingrédients actifs » sur l’étiquette. L’acetaminophène peut être écrit comme : paracétamol, APAP, Tylenol, ou Panadol. Si un médicament contient l’un de ces noms, il contient de l’acetaminophène. Ne combinez jamais deux produits qui en contiennent tous les deux.

Quels sont les numéros à appeler en cas de surdose en France ?

En France, appelez le 15 (SAMU) en cas d’urgence vitale. Pour un conseil immédiat, même sans symptômes, contactez le Centre Antipoison de Strasbourg au 01 40 05 48 48. Ce service est gratuit, disponible 24h/24, et géré par des médecins spécialistes.

Signes d'une surdose médicamenteuse chez l'enfant et quand appeler le centre antipoison
Fabien Leroux

Auteur

Je travaille depuis plus de quinze ans dans le domaine pharmaceutique, où j’explore constamment les évolutions des traitements et des suppléments. J’aime vulgariser les connaissances scientifiques et partager des conseils utiles pour optimiser sa santé. Mon objectif est d’aider chacun à mieux comprendre les médicaments et leurs effets.