image
Produits génériques combinés : quand plusieurs génériques équivalent à un médicament de marque
  • Par Fabien Leroux
  • 9/11/25
  • 0

Imaginez que vous avez besoin d’un médicament qui combine un spray nasal et un dispositif d’administration. Ce n’est pas un seul produit, mais deux éléments étroitement liés : le médicament et le dispositif qui le délivre. Maintenant, imaginez que vous voulez une version générique. Le problème ? Vous ne pouvez pas simplement acheter un spray générique et le mettre dans l’ancien dispositif de marque. Pour que ça marche, vous avez besoin de deux génériques : un pour le médicament, un pour le dispositif. Et même là, ça ne marche pas toujours.

Qu’est-ce qu’un produit combiné générique ?

Un produit combiné, c’est un médicament qui intègre un dispositif médical ou une substance biologique. Ce n’est pas juste une pilule dans un flacon. C’est une seringue pré-remplie, un auto-injecteur comme l’EpiPen, un inhalateur avec un mécanisme précis, ou même un patch qui libère un médicament en continu. Ce type de produit représente aujourd’hui une part croissante du marché : 138,7 milliards de dollars en 2023, avec une prévision de 214,3 milliards d’ici 2028.

Quand un produit combiné perd sa protection de brevet, les fabricants de génériques veulent le copier. Mais ils ne peuvent pas simplement reproduire le médicament. Le dispositif est aussi crucial. Un auto-injecteur générique doit délivrer exactement la même dose, au même moment, avec le même geste. Si la gâchette est plus dure, si le cliquet est plus bruyant, si l’affichage est différent, le patient peut mal l’utiliser. Et là, ce n’est plus un générique : c’est un risque.

La règle du « mode d’action principal »

Aux États-Unis, la FDA classe chaque produit combiné selon son « mode d’action principal » (PMOA). Si le médicament fait le plus d’effet, le produit est traité comme un médicament. Si c’est le dispositif qui fait la différence - comme dans un stent qui libère un médicament - alors il est traité comme un appareil médical. Cela détermine quel centre de la FDA l’évalue, quelles normes il doit suivre, et surtout : quel type de demande il faut déposer pour le commercialiser.

Les génériques classiques, comme le paracétamol, suivent une voie simple : l’ANDA (Abbreviated New Drug Application). Ils doivent prouver qu’ils sont bioéquivalents au produit de référence. Pour les produits combinés, c’est beaucoup plus compliqué. Il faut prouver que tout le système fonctionne de la même manière : le médicament, le dispositif, et leur interaction. Cela demande des tests de compatibilité, des études sur l’usabilité, et souvent des essais cliniques complets.

Pourquoi les génériques combinés sont-ils si rares ?

En 2023, 92 % des demandes de génériques simples ont été approuvées en moins de 10 mois. Pour les produits combinés, seulement 47 % ont atteint ce délai. Pourquoi ? Parce que le développement prend deux fois plus de temps. En moyenne, il faut 18 à 24 mois de plus pour concevoir un générique combiné qu’un générique simple.

Le coût ? Entre 2,1 et 3,7 millions de dollars supplémentaires. Pourquoi autant ? Parce qu’il faut tester l’expérience utilisateur comme si c’était un produit de luxe. Des centaines de patients doivent utiliser le dispositif générique et le produit de marque dans des conditions réelles. Les chercheurs observent : est-ce que la personne le manipule correctement ? Est-ce qu’elle le comprend ? Est-ce qu’elle a peur de l’utiliser ? Est-ce qu’elle le confond avec un autre ?

Et même après tout ça, 43 % des dossiers rejetés par la FDA en 2020-2023 l’ont été à cause d’une analyse incomplète du dispositif. Pas du médicament. Du dispositif. Un simple bouton mal placé, une étiquette trop petite, un cliquet trop faible - tout ça peut faire échouer une demande de générique.

Pharmacien face à des dispositifs médicaux où des étiquettes s'entortillent en textes effrayants.

Les conséquences pour les patients

Les patients paient le prix de cette complexité. Selon les données de 2024, les produits combinés génériques coûtent en moyenne 37 % plus cher que les génériques simples. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas assez de concurrents. Sur les 138 produits combinés disponibles sur le marché, seulement 17 entreprises les produisent. Dans le monde des génériques classiques, ce sont plus de 120 entreprises.

Les pharmaciens le savent. Selon une enquête de l’Association nationale des pharmaciens communautaires (NCPA) en mars 2024, 68 % ont déjà eu des problèmes de substitution avec un produit combiné. 42 % reçoivent au moins une plainte par mois. Un pharmacien sur Reddit raconte : « Même si vous avez un générique d’épinéphrine, vous avez besoin du bon auto-injecteur générique. Et souvent, il n’existe pas encore. »

Les patients, eux, se retrouvent bloqués. L’organisation Accessible Meds a recensé 217 cas en 2023 où des patients n’ont pas pu obtenir une alternative générique parce que le dispositif n’était pas disponible. Et ce chiffre augmente de 29 % chaque année. Un patient diabétique qui doit injecter de l’insuline chaque jour ne peut pas se permettre d’attendre trois jours parce que son auto-injecteur générique n’est pas disponible.

Le piège de la substitution partielle

Le plus grand piège ? La substitution partielle. Un médecin prescrit un produit combiné de marque. Le pharmacien veut substituer par un générique. Mais il n’y a qu’un seul élément générique : le médicament. Le dispositif reste de marque. Le patient reçoit donc un médicament générique dans un auto-injecteur de marque. C’est moins cher, mais est-ce équivalent ? La FDA dit non. Parce que l’interaction entre le médicament et le dispositif est unique. Même si le médicament est le même, le débit, la pression, la vitesse de libération peuvent changer.

Et si c’est l’inverse ? Le dispositif est générique, mais le médicament est de marque ? Même problème. Les tests d’équivalence ne sont pas faits pour ce mélange. La réglementation ne prévoit pas cette situation. Et pourtant, c’est ce que font parfois les pharmaciens, par ignorance ou pour faire des économies.

Patient regardant son stylo à insuline qui se transforme en doigt squelettique, avec des pièces rouillées.

Les pistes d’avenir

La FDA a lancé en juin 2024 l’initiative « Complex Generic Initiative 2.0 », avec pour objectif de réduire les délais d’approbation de 30 % d’ici 2026. Elle a embauché 32 nouveaux experts pour traiter ces dossiers. Quatorze États américains, dont la Californie et le Massachusetts, ont déjà modifié leurs lois pour permettre la substitution de produits combinés, à condition que les deux éléments soient génériques et approuvés ensemble.

Le marché commence à bouger. En 2023, seulement 12 % des produits combinés étaient génériques. En 2027, les analystes estiment que ce chiffre pourrait atteindre 35 %. Mais pour y arriver, il faut changer la façon dont on pense à la substitution. Ce n’est plus « un médicament = un générique ». C’est « un système = deux génériques ». Et les deux doivent être testés ensemble.

Que faire si vous utilisez un produit combiné ?

  • Ne changez jamais de dispositif sans consulter votre médecin ou votre pharmacien.
  • Si vous voyez une différence dans la façon dont votre auto-injecteur ou votre inhalateur fonctionne, signalez-le immédiatement.
  • Demandez si une version générique complète existe pour votre produit. Si non, demandez pourquoi.
  • Ne supposez pas qu’un médicament générique peut être utilisé avec n’importe quel dispositif, même s’il semble identique.

Les produits combinés sont l’avenir de la médecine. Ils rendent les traitements plus précis, plus simples, plus sûrs. Mais pour que cette innovation profite à tous, il faut que les génériques suivent. Pas un seul élément. Pas une moitié. Tout le système. Sinon, ce n’est pas une alternative. C’est un risque.

Pourquoi ne puis-je pas remplacer un auto-injecteur de marque par un générique et garder le médicament de marque ?

Parce que la FDA considère l’auto-injecteur et le médicament comme un seul système. Même si le médicament est identique, la façon dont il est délivré - la pression, la vitesse, la profondeur d’injection - dépend du dispositif. Un médicament de marque dans un auto-injecteur générique n’a jamais été testé comme un ensemble. Ce n’est pas une substitution équivalente, c’est un mélange non validé.

Existe-t-il des génériques pour les inhalateurs de corticoïdes ?

Oui, mais seulement pour certains modèles. La pénétration des génériques dans les inhalateurs est de 38 %, contre seulement 19 % pour les auto-injecteurs. Cela s’explique par la complexité technique : les inhalateurs nécessitent un mécanisme de pulvérisation ultra-précis, et les génériques doivent prouver qu’ils délivrent la même quantité de médicament à chaque usage - ce qui est difficile à reproduire.

Pourquoi les génériques combinés sont-ils plus chers que les génériques simples ?

Parce qu’ils coûtent beaucoup plus cher à développer : entre 2,1 et 3,7 millions de dollars supplémentaires, et 9 à 15 mois de plus. Seuls quelques fabricants ont les ressources pour y arriver, ce qui limite la concurrence. Moins de concurrents = prix plus élevés.

Les pharmacies peuvent-elles substituer un produit combiné sans autorisation ?

Dans la plupart des cas, non. Les lois de substitution traditionnelles ne s’appliquent pas aux produits combinés. Le pharmacien doit vérifier si une version générique complète (médicament + dispositif) est approuvée et disponible. Sinon, il ne peut pas substituer. S’il le fait malgré tout, il risque une erreur médicale.

Comment savoir si mon produit combiné a une version générique complète ?

Consultez la liste des produits approuvés par la FDA sur son site officiel, ou demandez à votre pharmacien de vérifier si les deux éléments - médicament et dispositif - sont marqués comme « AB » (équivalent thérapeutique). Si seul l’un des deux est « AB », ce n’est pas une substitution autorisée.

Produits génériques combinés : quand plusieurs génériques équivalent à un médicament de marque
Fabien Leroux

Auteur

Je travaille depuis plus de quinze ans dans le domaine pharmaceutique, où j’explore constamment les évolutions des traitements et des suppléments. J’aime vulgariser les connaissances scientifiques et partager des conseils utiles pour optimiser sa santé. Mon objectif est d’aider chacun à mieux comprendre les médicaments et leurs effets.